C’est dur quand les gens te manquent. Mais ça veut dire que tu étais chanceux, que tu avais quelqu’un dans ta vie, quelqu’un d’assez important pour te manquer.

Teddy Brown

"Short, redheaded, bad temper"

Faire partie d'une famille de militaire, ça n'a jamais rien eu de simple. Franchement. Mon grand-père était soldat, ainsi que mon père et mon frère aîné. Ma mère, elle, était femme au foyer. Comme ma grand-mère. Le coup classique. Bref, j'ai grandi dans cette ville, celle où j'ai vu le jour et qui m'as vue évoluer. Petite, je ne cessais de demander où était mon père, et ma mère me répondait la même chose à chaque fois: "il combat les méchants". Du coup, j'ai toujours plus ou moins vu mon père comme un héros. Du genre à sauver la veuve et l'orphelin très loin, dans les pays en guerre. Mais plus je grandissais, plus la nouvelle me sautais aux yeux et j'ai fini par devenir amère. Bien vite, l'idée que je me faisais de lui a changé et j'ai commencé à penser qu'en réalité, mon père a toujours privilégié son boulot plutôt que sa famille. Parfois parti pendant plus de huit mois, il avait beau nous appeler plusieurs fois par semaines et nous envoyer des lettres, le vide qu'il laissait était toujours là. Souvent, j'entendais ma mère pleurer, surtout lors de ses départs: une fois qu'il repartait, ma mère sombrait dans une espèce de dépression qui durait parfois une à deux semaines, suivant son humeur. Et voir ma mère dans cet état là m'horrifiais, me dégoûtait. Du coup, j'ai fini par m'éloigner de mon père, que je collais pourtant toujours quand il était de retour à la maison.

Et moi qui croyais que mon frère aîné partageait les mêmes ressentiments que moi vis-à-vis de l'armée, vous n'imaginerez jamais ce que j'ai ressenti lorsqu'il a annoncé à ma mère et moi qu'il comptait s'engager. Pour être avec notre père. Pour suivre ses traces, ainsi que celle de notre grand-père. Je crois que je ne suis jamais restée aussi longtemps sans lui parler. C'était affreux, parce qu'il me manquais, et que j'ai refusé de venir lui dire au revoir le jour où il est parti pour sa toute première mission. Résultat des courses: J'étais restée pendant presque un an sans le voir, jusqu'à ce qu'il débarque le jour de mon anniversaire, pour me faire une surprise. Après avoir passé plus de dix mois sans vouloir le voir ou lui parler, voilà qu'il faisait le premier pas. Les premiers mots qu'il m'as dit en me serrant dans ses bras, c'est: "Je suis désolé. Tu m'as manqué, petite soeur." Puis il m'a raconté vaguement comment c'était, là bas. Comme quoi il avait vu des choses affreuses, mais aussi des choses plus soft, plus joyeuses. Malgré tout, il a su rester vague, sûrement pour éviter de me choquer.

Aujourd'hui, il est retourné en mission avec mon père et la maison est bien vide sans eux. Lorsque mon frère est parti pour la première fois il y a deux ans, ma mère a voulu aller vivre avec sa soeur pour éviter d'être trop seule: Moi, j'ai voulu prendre un nouveau chemin et me suis installée avec mon meilleur ami. La vie n'est pas des plus faciles, mais je vais bien, au moins. J'ai un boulot et je suit des études en parallèle, pour devenir écrivain. Et je me suis promis une chose: Ne jamais, jamais, jamais tomber amoureuse d'un soldat. De ne pas finir comme ma mère, seule et amère sans son mari. Et dans cette ville, qui n'abrite que 10 ou 15% de personnes qui ne souhaitent pas embrasser cette profession...Eh bien ça va pas être facile.